ApRèS Le LoTo... Le LoTo-PhOnE !!!

Comme vous le savez tous à présent, lecteurs assidus que vous êtes, ma profession peut m'amener à être dans une classe extraordinairement jolie avec 16 enfants scolaires... ce qui aurait résulté de deux fameux tirages de loto (mais si, souvenez vous: ici et là ) où j'aurais déjà été bien chanceuse, voire pire. (Surveillons ma copine, m'est d'avis qu'elle n'est pas claire comme de l'eau de roche).

Question : y a-t-il encore quelque chose après les deux tirages du loto?
Réponse : oui. Le loto-phone (oui, bon, si vous ne connaissez pas, je ne peux pas vous en vouloir...)

Je m'explique: un instit, ce n'est pas seulement un être humain entouré d'un nombre "x" d'enfants dans un local "y". Un instit, c'est aussi un être (de chair et de sang, rappelons le) entouré d'autres instits, que nous appelons "collègues", comme dans vos professions à vous. Ces collègues sont des messieurs et des mesdames comme vous et moi (fin moi je suis plutôt "madame"). Ça veut dire que, comme vous et moi, ils ont leurs petit caractère, leurs façons à eux de voir les choses. Et comme au loto-phone (voyez, j'y reviens...), on peut tomber sur les très bons (case 10000 euros) , les moins bons (case 5000euros), ... et les encore moins bons (case 1000 euros).

Pour résumer: dans le monde merveilleux de l'éducation nationale, ne pas se croire sauvé quand on a eu un local magnifique avec un petit nombre d'enfants qui sentent bon l'intelligence.

Comme nous nous sommes déjà servis des numéros de boules de loto, utilisons cette fois les collections "monsieur/madame" pour désigner les collègues. Laissez moi donc vous présenter:

madame iufm: toute jeune instit sortie de l'école des instits. On la reconnaît au fait qu'elle ne plaisante pas avec les récrés: 15 minutes, c'est 15 minutes, hop on siffle! On ne sait jamais ce qu'il pourrait se passer à la 16ème minute, si une soucoupe volante venait à se poser dans la cour, madame iufm serait responsable et aurait les parents sur le dos, en plus de l'éducation nationale; on le lui a assez répété à l'iufm. Madame iufm ne prend aucun risque. Les règles, ce sont les règles. Madame iufm, quand elle n'est pas dans la cour, est toujours dans sa classe en train de faire ses fiches de prép', son cahier journal, ou tout autre document que l'inspecteur pourrait lui demander un jour. Madame iufm, on la reconnait aussi quand elle parle: elle utilise les mots qui nous ont servi à tous pour avoir le concours, qu'il fallait absolument caser dans son discours le jour de l'entretien:"pédagogie différenciée", "grille de Nina Catach", "ressources pédagogiques", "tutorat d'élève à élève", "compétences à acquérir", "thèses behavioristes", "culture de l'évaluation", "réinvestissement". Elle n'a pas compris que c'était bon, le concours, elle l'avait eu, maintenant, elle pouvait zapper un peu tout ça... Madame iufm est donc un petit peu chiante, quand même, il faut le dire. Parce que même en soirée où on est normalement là pour se détendre, boire et fumer en racontant les derniers potins de parents d'élèves qu'on a réussi à avoir par l'atsem (faites gaffe, on sait tout de vos vies: quand ce ne sont pas vos enfants qui nous le disent, on a d'autres moyens, ah ah ah!!!),Madame iufm, elle, parle de son inspection qui ne va pas tarder, et une énorme boule de stress l'entoure continuellement. Ce qui finit par rendre tout le monde électrique. Ce qui bousille la soirée.
Mais par contre, Madame iufm peut rendre service à l'école: on sait que si on hésite sur le nombre d'accompagnateurs qui doivent être présents lors de la sortie piscine, on peut lui demander et avoir confiance en sa réponse.
Le remplaçant de madame iufm est toujours aux anges: tous ses affichages sont à jour, et elle a souvent préparé un travail pour son remplaçant, tout est déjà photocopié, au cas où l'inspecteur viendrait voir sa classe pendant son absence.

monsieur 18ème siècle: alors celui là, il tire sa dernière année. C'est simple, si vos grands parents passaient la porte de sa classe, ils seraient comblés. Tout leur rappellerait leur enfance, des manuels utilisés à la façon de se tenir des enfants. On pourrait d'ailleurs tourner là un téléfilm d'époque type la petite maison dans la prairie sans rien changer du décor. Monsieur 18ème siècle est un être respectable. On ne sait pas bien s'il utilise encore la règle sur les doigts et le bonnet d'âne, mais en tout cas sa classe se tient impeccablement. Les manuels de lecture des cp comportent quelques ambiguïtés: Claudine promène son bébé dans une voiture (nota bene pour les petits jeunes: anciennement, voiture signifiait "poussette", et "Claudine" était un prénom). Le Petit Paul a fait PiPi dans son Pot, Pa Pe Pi Po Pu. Il y a aussi des bons points qu'on peut transformer en images atroces (de vieux cheval, de cochons, de poules...) qui traînent sur son bureau, que les enfants se battent quand même pour avoir (10 bons points= une image). A croire qu'ils n'ont pas la télé couleur chez eux.
Loin de moi l'idée de rejeter ce que fait monsieur 18ème siècle, parce qu'être remplaçant dans sa classe, c'est du gâteau pièce montée. Imaginez: quand on fait "chut!", les élèves s'arrêtent de parler, miraculeusement. Un truc de ouf'. Et je ne contesterai pas non plus ses méthodes d'apprentissage de lecture, parce que malgré tout, pas de soucis, tout le monde lit comme il faut.

Monsieur Salblagues: c'est le roi de la contrepétrie. Il aime nous laisser le "choix dans la date", et trouve ça difficile d'arriver à "pied par la chine". Des blagues de très mauvais goût, souvent, mais tout le monde rigole malgré tout, ça doit être l'ambiance coincée habituelle qui fait ça (par contre, prendre garde à ne JAMAIS donner son adresse e-mail à monsieur Salblagues- ou en donner une fausse- à moins que le fait d'être envahi de "pps" cochons ne nous dérange pas...). Les élèves l'adorent, même s'ils ne comprennent qu'un centième de tout ce qu'il peut sortir comme conneries. Parce que si ça fait rire les autres maîtres, c'est que ça doit être forcément vachement marrant.
Remplacer monsieur Salblagues, c'est très dur. Non pas parce qu'il est prêt à laisser un ballon péteur sur votre siège de bureau (quand même!) ni du poil à gratter (au pire il laisse les poux sur les têtes des enfants, mais pas sûr que ce soit une blague de lui, ça...). Mais parce que les élèves ont l'habitude de s'é-cla-ter avec lui. Or quand vous êtes remplaçant, si vous sortez votre panoplie de clown le premier jour, autant dire que vous êtes foutu pour être respecté les jours suivants. Donc vous passez pour une rabat-joie.

Mademoiselle Lastar: Ah, ça, elle est belle, avec sa petite jupette et ses talons hauts, parfaitement maquillée. Comme ça, vous, à côté, vous passez encore plus pour un tas. En plus, elle est encore "mademoiselle", mais c'est parce qu'elle a choisi de ne pas se marier, ne commencez pas à tous vous exciter. Forcément, elle est prise...
Mais cela dit, vous galérez moins qu'elle en sport, avec vos baskets passe partout, et vous n'en faites pas des caisses si malencontreusement (ou pas...) un élève vous pose sa main pleine de peinture sur votre futal.
A noter que c'est quand même elle qui se récolte le plus de fleurs quand la belle saison arrive, et le plus de cadeaux à la fin de l'année. Tsss...

Madame Hautaine: Madame Hautaine ne vous parle pas, parce que vous êtes jeune et insignifiante. Elle n'a pas encore compris que la profession qu'elle a choisi ne lui permet pas vraiment d'éructer plus haut que sa bouche, elle croit toujours que sa profession est la plus noble qu'il soit alors que tout cet esprit de prestige, ça a disparu depuis une cinquantaine d'année. Elle n'a pas encore remarqué que son salaire ne correspondait pas à celui de la haute bourgeoisie. C'est pour garder ces idées dans sa tête qu'elle ne vous parle pas, d'ailleurs. Attention, Madame Hautaine risque de devenir un jour Madame Dépression.

Madame Dépression: faire son service de récré avec madame dépression, c'est avoir envie de rentrer avant les 15 minutes réglementaires. Eh oui... c'est possible! (même effet quand il fait trop froid dehors, par ailleurs...) . Madame dépression, elle se décharge en récré de toute la pression qu'elle a accumulée chez elle pendant la nuit, cumulée avec l'heure et demie avec ses élèves. Faut dire aussi que sa vie n'est pas parfumée à l'eau de rose, avec sa fille adolescente suicidaire, son mari qui a le cancer, son chat qui vient de mourir, et les 30 zozos d'élèves qu'elle a récupéré cette année (des boules numéro 47, "les bagarreurs", pour couronner le tout... non je ne vous en avais pas parlé, des "47"). Disons que le fait qu'elle soit inspectable cette même année n'améliore pas son état.
En fait, madame dépression, le remplaçant ne la croise pas si souvent: ben non, puisqu'il la remplace, z'êtes bêtes!! Mais alors, ce n'est pas un cadeau, merci bien... Sa dépression a débordé partout dans la classe, de ses tiroirs à ses murs, ça dégouline de dépression. Les arts plastiques affichés au mur sont en noir et blanc, la classe est complètement sens dessus dessous. Aucune règle n'est établie, les élèves s'insultent comme s'ils n'avaient jamais été en classe tous ensemble. Une horreur.

Monsieur Bordélique: dans sa classe, tout est rangé. Mais il n'y a que lui qui sait où retrouver les choses. Est ce utile de vous dire qu'être un remplaçant dans cette classe est particulièrement énervant? (elles sont où les feuilles A4? les stylos? la colle? les ciseaux?). Sans compter que si c'est le bordel dans sa classe, c'est aussi le bordel dans sa tête, et par "effet domino", c'est le bordel dans les cahiers des élèves. Vous avez donc du mal à distinguer le cahier de brouillon du cahier du jour. Ce qui fait que vous devez tout corriger, grrrr!

Monsieur Je-Fais-Peur: généralement, Monsieur Je-Fais-Peur est le directeur de l'école. Monsieur Je-Fais-Peur est en fait un gros nounours tout gentil, mais ça personne ne le sait vraiment. Même vous, vous n'en êtes pas sûr. Il a une énorme voix qui fait frissonner les enfants qui sont à l'autre bout de la cour, et vous en même temps. C'est chez lui qu'on dit qu'on va envoyer l'élève turbulent, et ça le calme direct. Non, parce que si vous dites que vous allez envoyer l'élève turbulent chez Madame Dépression, on vous rit à la barbe, que vous en ayez une ou pas. Mais là, la simple évocation de son nom met comme un souffle glacial, un effet "jour d'après" dans votre classe.

Madame Syndiquée: avec elle, en récré, vous êtes comme dans une manif. Au bout des 15 minutes, vous êtes prêtes à aller jeter des pavés si vous en trouvez et prendre un mégaphone pour hurler qu' "il y en a marre!!!!!". Car elle a toujours quelque chose à revendiquer, est toujours en colère contre le gouvernement. (Et comme je la comprends...). Elle distribue des tracts en salle des maître, elle anime des réunions tous les premiers mercredis du mois sur l'avenir de l'école, elle est au courant de toutes les messes basses qui peuvent se faire au sein du gouvernement. Elle doit avoir une personne infiltrée, pas possible autrement. Avec elle, vous savez les dates de manifs de l'année suivante. Ah, ça, vous ne vous ennuyez pas! Elle est ultra convaincante, vous vous entendez dire qu'elle a raison, que merde, vous n'aviez pas pensé à "ça".

Madame Scolaire: vous vous souvenez de la boule numéro 25, l'enfant scolaire? Voilà, l'enfant a grandi. Madame scolaire pense école, mange école, parle école, marche école, roule école, se lave école. Madame scolaire a toujours un vélo à acheter en braderie pour l'école, elle a toujours une photo à prendre dans les expos qu'elle visite pour réinvestir à l'école. Elle a un carnet d'idées pour l'école. Elle a toutes ses recettes de cuisine version "facile" pour l'école, avec les doses en nombres de pots de yaourts. Elle garde les boîtes à oeufs, les yaourts, les boîtes de glace. Elle recycle à 100% sa vie pour l'école.

Voilà... je dois en oublier, forcément, je n'ai pas encore fait le tour de tous les styles d'instits dans ma petite carrière qui vient de commencer... mais c'est déjà pas mal, vous devenez exigeants!.

Et moi, me diriez vous, dans tout ça? Ben... je picore de tous ces "monsieur-madame": je suis jeune instit, parfois bordélique. Il m'arrive d'acheter des albums pour mes classes. Je croise les doigts quand les 15 minutes de récré sont passées (une soucoupe volante dans la cour, ce serait vraiment pas de bol...) pour qu'il n'arrive rien. Je blague souvent avec les élèves, et souvent je ris seule parce qu'ils ne comprennent pas mes blagues de fort niveau intellectuel (à l'image de celles de ce blog... heu...); je m'amuse comme je peux. Ou alors j'essaie d'expliquer, mais alors la blague tombe complètement à l'eau, comme à chaque fois qu'on doit expliquer une blague... Je donne des bons points quand ils sont devant mes yeux sur le bureau, il m'arrive d'en reprendre aux enfants. Je vais aux manifs quand j'estime qu'elles sont justifiées, et c'est marrant mais c'est quand même souvent justifié...Je suis parfois un peu hautaine, quand je rencontre les parents d'élèves par exemple, pour avoir plus de prestance dans mon style jean-baskets.
Je ne suis pas encore madame dépression... mais paraît que ces choses là, c'est après que ça arrive... gloups!


les bonus... uniquement dans la version "blog de luxe" (si cette partie s'affiche chez vous, c'est que vous l'avez, cette version, petits chanceux!!!):

1) Remerciements: Ce message m'a été inspiré par la talentueuse Val dans un commentaire après le deuxième tirage du loto, que je m'empresse de vous citer: "Voilà un post qui fout les boules, assurément! Excellent de justesse. Mais les instits c'est comme les gosses, on peut tirer le bon ou le mauvais numéro. Fais-nous un jour le tirage de tes collègues, s'te plaît!".
Voilà qui est fait, ma chère Val! Au plaisir! Très heureuse de me rendre compte par le biais de ton commentaire que tu as lu avec sérieux le manuel du parfait bloggueur que je ne saurais trop conseiller aux petits nouveaux qui viennent d'arriver ici dans la blogosphère inter galactique. (merveilleux message s'il en est... Ah tiens, ce message est sur mon blog!! Heureuse coïncidence... ou serait-il donc de moi??!).
Si vous aussi vous voulez, comme la très chanceuse Val, avoir l'opportunité d'être cité en plein post sur le blog de zeste, il ne vous reste qu'une chose à faire: mettre un commentaire pertinent!!! et puis brosser, hein... on ne brosse jamais assez, de nos jours, mes gens...

2) Vous avez aimé les contrepétries de Monsieur Sales Blagues? eh bien, contrepétons ensemble les amis!!! c'est parti! (cette fois ci, je ne vous aide pas en soulignant les phonèmes à inverser... à vous de trouver comment transformer ces petites phrases...)

a) Cette fille est folle de la messe.
b) vous trouverez la réponse dans la piece du fond.
c) Cette presse est spécialiste du foot.
d) la fermière sait que sa poule mue, aussi vit-elle au champ (là c'est une double contrepétrie)(pardon mais celle là je suis morte de rire toute seule...)
e) Superman a une bouille incroyable.
f) J'aime vachement votre frangin.