LeS GaLeTtEs...

(mise en garde: rangez votre frangipane, il ne s'agit en aucun cas d'une recette de cuisine...).

Ce matin, je me suis réveillée avec un petit mal de gorge. C'est qu'avec ce vieux temps (non, le soleil n'est toujours pas arrivé vraiment ici... ça doit être le décalage horaire), je serais bien capable de me choper une angine en plein été.
M'enfin, une angine, ça m'est complètement égal. Pareil pour une grippe. Je suis de ces gens qui acceptent toutes les maladies... toutes, sauf une: la gastro.

J'ai la phobie des galettes, je vous ai déjà dit? (si vous êtes en train de manger, il vaut peut-être mieux que vous laissiez ce message pour l'après-digestion... je vous aurai prévenus).

Le hic, c'est que les galettes, dans mon métier, on en croise quand même hyper souvent.
Je ne connaissais pas trop ça, avant, parce que je n'étais pas en contact avec des enfants. Mais j'apprends petit à petit à reconnaître les signes avant-coureurs de la galette, et je dois dire que je commence à maîtriser pas mal.

Ma première année, j'étais avec des cm1, en train d'essayer d'expliquer pourquoi il y avait le jour et la nuit (rigolez, c'est que ce n'est pas si évident que ça...!!); je me souviens, j'étais avec mon globe à la main, et j'avais prévu la lampe de poche et tout, extinction des lumières, rideaux tirés, le truc que les élèves adorent.
Tout à coup, j'ai entendu un gros "sploutch", et je me souviens m'être dit "purée, quel est le boulet qui a renversé le seau d'eau du tableau...". Sauf qu'il y a Dylan qui a eu la pertinence de dire "maîtreeeeeesse, y'a Brenda qui vomiiiiit!!!" (j'adore inventer des prénoms).
Et que l'odeur est arrivée. Si la lumière arrive avant le son, force est de constater que l'odeur vient après.
Ça n'a fait ni une ni une, j'ai eu un réflexe à la noix, du style "courage, fuyons!!!!". Dans la réalité, ça a donné "allez hop, récréation, tout le monde dans la cour!!!!!".
Bon, quand on est maîtresse, on est quand même censé sensé supposé surveiller tous les élèves: j'ai eu un mal fou à me couper en deux, à surveiller la cour et en même temps Brenda dans la classe qui finissait ce qu'elle avait commencé.
Sans compter que je devais penser aussi à "l'après", à savoir la question du nettoyage...
Je me souviens ce jour là avoir eu envie de remercier mille fois le ciel et/ou toutes les puissances inimaginables et/ou imaginables: la dame de ménage se trouvait dans les lieux du crime, et elle a géré comme une pro. Du coup, c'est elle que j'ai remercié mille fois.
On a quand même fini la récréation, parce qu'il fallait que je me remette de mes émotions, et ça a donné l'occasion à tous les élèves de l'école de parler "galettes" ("oh, moi, la dernière fois, j'ai tout vomi dans mon lit, et ma sœur, elle était à côté"/ "oh moi, mon cousin, une fois il a vomi du sang, on est allés à l'hôpital"/ "oh moi une fois j'ai vomi mes pâtes, et on voyait que c'était des pâtes, hein!"). Limite j'aurais dû profiter de l'occasion pour faire expression écrite, ou un cours sur "la digestion"... mais finalement, non. Il y a des événements comme ça qu'il vaut mieux garder pour l'oral.
On a terminé la journée avec une vieille odeur qui a traîné, traîné, malgré les fenêtres ouvertes...
... ce qui me fait dire que l'odeur vient peut-être après le son, mais elle dure vachement plus longtemps.

Ma seconde année, c'est en CP que ça m'est arrivé. Enfin, pas à moi, il s'entend... Mais là, j'ai eu la scène pile face à moi, j'ai vécu le crime en direct live, sans retransmission, sans avertissement "attention carré jaune/ triangle bleu, ne pas regarder". J'ai encore les images qui repassent dans ma tête comme un vieux film d'horreur.
C'est marrant (enfin, quand je dis "marrant", hein...), on voit tout de suite la différence entre un CP et un CM1: En CM1, Brenda avait à peu près géré, même si elle n'avait pas géré jusqu'au point d'aller aux toilettes, tandis qu'en CP, il a fallu la changer de la tête aux pieds (jusque dans les chaussures, oh!), si vous voyez ce que je veux dire.
J'ai eu presque envie de lui affirmer que, holala, elle ne s'était pas loupée, mais je me suis dit qu'il ne fallait pas rigoler dans une situation pareille, que la maîtresse qui se moque de toi, ça pouvait laisser des séquelles tout ça tout ça.
Encore une fois, j'ai eu du bol, je n'ai pas eu à ramasser...

Ma troisième année (oui, j'ai environ une galette par année, comme à la fête des rois! Mais là, je n'ai jamais trouvé la fève...), j'ai géré à fond sans le savoir: ça s'est passé à la cantine, et comme je ne fais pas la cantine (parce qu'à 11h30, j'ai un énorme besoin de dire "stooooop"), j'ai juste eu le privilège d'entendre l'histoire racontée par mes autres élèves. Oh, ça les avait éclatés. Je dois vous dire que j'étais trèèès heureuse de ne pas y être allée, à la cantine...

J'ai une galette par année, sauf cette année-là: j'ai eu une "alerte galette" en plein rituel, en toute petite section de maternelle. Je me souviens, j'étais en train de chanter "p'tit lapin plein de poils", et je me suis stoppée net à "petit lap...".
Je me suis arrêtée parce que j'ai vu que Cassandra (s'appeler Cassandra dans le nord, c'est un peu une punition... avec l'accent, ça donne "Cossindro", et c'est franchement pas terrible... enfin, je dis ça, je dis rien, hein...) devenait verte, puis blanche, puis verte, puis blanche, et qu'elle ne chantait pas du tout "p'tit lapin" alors que d'habitude, c'était du genre à être à fond dedans (oui, on peut être à fond dans "p'tit lapin", et alors, hein?). Et que les "p'tits lapins" de la chanson, j'étais à deux doigts de les retrouver par terre.
Du coup, j'ai eu le fabuleux réflexe de lui demander si ça allait, Cassandra, genre. Et Cassandra, du haut de ses trois bougies, a eu l'intelligence de me dire en pleurant: "non, j'ai envie de vomiiiiiir...".
Elle était verte et blanche, et moi j'ai vu rouge tout de suite, parce que devant elle, il y avait la pochette de ma guitare, et je n'avais pas franchement envie d'en changer, ni de passer la journée avec une odeur atroce dans la classe.
Cassandra, je te l'ai chopée sur son banc, comme un paquet, et en deux secondes, on était au dessus des toilettes, et là, j'ai eu envie de crier "victoiiiiiiiiiire!! Tu tu tu, tu tu tu tu", et d'entamer une danse du ventre, parce que j'étais trop fière d'avoir su prévenir avant de guérir, d'avoir trop réussi mon coup.

Je me suis dit que ça y était, que j'avais enfin l'expérience, que j'étais devenue une vraie maîtresse capable de voir si un élève allait bien ou pas. Trop de fierté.

Ah, j'ai hâte de voir quelle sera la situation de la galette de la quatrième année!! N'vous inquiétez pas, je vous raconterai...