WoNdErWoMaN...

La maîtresse est surhumaine, à ce qu'on dit.

Dans le coeur de la plupart des enfants, il n'existe qu'une star internationale dans ce bas monde, qui détrône spiderman et Dora, qui est à la limite de renvoyer la propre femme qui les a mis au monde au rang numéro deux (quels petits ingrats!!): c'est la maîtresse.
La maîtresse, rendez-vous compte, ils la voient plus de 6 heures par jour (oui, j'ai six heures par jour de boulot, mais, bande de mauvaises langues, je vous vois venir, sachez que je bosse aussi quand les enfants ne sont pas là)(parfois...); et 6 heures, c'est parfois plus que leurs propres parents!
Il ne faut pas leur en vouloir: de toute façon, tout ça, c'est un peu à cause de nous, aussi, les instits.

En maternelle, la maîtresse est la plus forte: elle est capable de voir, de l'autre bout de la cour, qu'un autre enfant fait des bêtises (mange des feuilles, lance des cailloux sur la voiture à travers la grille, donne une baffe à un autre, au choix). La maîtresse, elle a un peu des yeux bioniques.
La maîtresse, c'est fou comme elle se fait respecter illico: un coup de sifflet/un claquement de main (tout dépend de son équipement du jour), un regard pas content (je suis trop forte pour ça, ah, si je pouvais vous montrer, vous comprendriez!! parfois, je fais mon regard à L... mais avec elle, ça marche moins bien, quand même...), et pof, l'affaire est réglée. Sans compter que la maîtresse, elle est trop forte en bisous guérisseurs et eau bénite des toilettes.
La maîtresse, elle fait des superbes dessins, toujours: même si en réalité, comme moi, elle s'est arrêtée au stade "maison" et qu'elle est nulle en arts plastiques, il y a toujours une différence notable entre le dessin d'un instit et le dessin d'un enfant de 2 ans, une différence qui fait tout. La maîtresse, elle a toujours l'air de sortir des beaux arts.

La maîtresse, elle fait des belles rondes: on se bat pour être à côté d'elle, parfois on pleure quand on n'y est pas (hi hi, je les comprends, moi aussi j'aimais mieux tenir la main de la maîtresse que celles, visqueuses/collantes/"crotte de nez-tifiées", des autres enfants...)(toujours aujourd'hui, d'ailleurs... mais bon, il m'arrive malheureusement quand même plus souvent d'avoir dans mes mains les mains visqueuses/collantes/"crotte de nez-tifiées" des autres enfants que celles des autres maîtresses...).

La maîtresse, elle s'habille bien ("elles sont belles, tes chaussures/tes chaussettes, maîtresse..."), elle est belle ("t'es beeeelle, maîtresse..."), elle chante bien ("tu chantes bieeeeeen, maîtresse!"), elle est gentille ("t'es gentille, maîtreeeeesse!"); bref, elle se prend plein de compliments (auxquels elle repense dans ses jours plus difficiles...), qui ne sont jamais complètement gratuits, mais chut, parfois ça marche...

En maternelle, c'est donc facile de passer pour surhumaine aux yeux des enfants, de faire un croche-patte à spiderman et de faire le coup du lapin à dora. Ça leur va bien (désolée s'il y a des fans, mais dora, je ne supporte pas...).
Pour peu qu'on amène un poisson, des escargots, une guitare, ou pour peu qu'on leur dise "how are you", c'est l'apothéose, festival, bercy, stade de france.

En élémentaire, il faut déjà un peu plus ruser. C'est quand même plus compliqué de ne pas les décevoir, de voir ces petites étincelles dans leurs yeux. Bon, la guitare, ça marche à n'importe quel niveau, si on sait adapter son répertoire (si vous en êtes au stade "pomme de reinette", la-ré-la-ré, peut-être qu'il faut attendre un peu avant de se présenter en show à des cm2). Le poisson, c'est moins évident, déjà: il faut passer au reptile ou à la bête à poils (lapin, cochon d'inde, etc).

Le secret, en élémentaire, c'est surtout de ne JAMAIS dire "je ne sais pas". Quatre mots interdits si vous voulez continuer à passer pour quelqu'un d'exceptionnel. Évidemment, je suis comme vous: mes connaissances sont limitées... autant je peux totalement improviser un cours de maths, autant il me faut des maxis-appuis pour une leçon de géographie... Du coup, j'ai appris à ruser. Quand , par exemple, on me demande quelle est la capitale d'un pays dont le nom-même me dit juste vaguement quelque chose, je dis:
"- ah ah!! qu'est ce qu'on fait, quand on ne sait pas quelque chose?! Je te l'ai déjà dit, Laura!!!!
- ben... on cherche dans un livre, pffff...
- eh oui! allez, au travail!"
Parfois, l'élève est coriace, et il insiste:
"- oui, mais toi, tu le sais, maîtresse... allez, dis nous...
- non non non, bien sûr que je le sais, mais il faut que tu cherches: ça sert aussi à ça, l'école: apprendre à se débrouiller, à chercher seul!!
- oui mais pfff...
- oui mais rien du tout, allez hop!!".
Et allez hop, je m'en sors. Et allez hop, je ne descends pas d'un grade!
Au pire, si vous vous êtes emmêlé les stylos, en sortant un classeur entier de mandalas, coloriages magiques et autres mots croisés, vous sauvez le coup.

Bon, donc, tout ça, ça reste entre nous, hein, soyons clairs. N'allez pas nous griller auprès de vos enfants ou des enfants des autres. Et puis, rassurez-vous: cette passion féroce ne dure qu'un an: après, ils passent à la maîtresse suivante, et c'est à peine s'ils nous claquent la bise à la récré...