12 fOiS PaR An...

Comme vous le savez, donc, je suis une fille. Et comme un tas de filles, tous les 28 jours, j'ovule, je régule, je mue. Si vous êtes une fille, vous captez directement de quoi je veux parler, parce que ça vous casse les bonbons (que vous n'avez pas), à vous aussi, ces petites choses de la vie; et si vous êtes un garçon, vous êtes au courant de la chose grâce à l'humeur de votre copine. Si vous êtes gay et/ou célibataire, dites vous que dans votre malheur, vous avez de la chance (attention ceci est une blague)(maintenant je le mets pour éviter les mauvaises interprétations).

Si la période "menstruation" s'arrêtait à perdre un peu de son sang, on en rigolerait. Sauf qu'elle s'accompagne de symptômes qui changent selon les filles et selon le mois. Ce serait trop facile si c'était toujours la même chose, on n'aurait qu'à prendre ses bagages une fois par mois et partir s'enterrer ailleurs, là-bas, aller voir si on y est (forcément qu'on y sera pas puisqu'on est ici)(hop, mine de rien je vous embrouille).

Parce que des fois, on fait ça en silence, tout se passe bien, hop, comme une lettre à la poste, un tampax dans les toilettes (meuuuh non, je ne le mets pas dans les toilettes, le tampax, L... meuh non...), pif, paf, la période s'achève sans heurt ni douleur.

Heureusement que ça arrive, ces choses-là, ces périodes douces, chez les lesbiennes, sinon, on serait sans arrêt en train de se fritter, pour peu qu'on n'ait pas la saignée période en même temps: oui, parce que je voudrais donner une petite tape (gentille, hein, la petite tape, je ne suis pas si cruelle) à ceux qui affirment que quand plusieurs femmes vivent ensemble, elles ont tendance à les avoir en même temps. Parce que, que nenni, avec L, on ne s'accorde pas du tout pour ça.

Quand ÇA déboule chez L, généralement, disons que j'ai intérêt à me faire toute petite. J'ai tendance à l'énerver pour un rien, et si elle ne me le dit pas, elle le fait bien ressentir: elle fait la tronche, seule dans son coin, jusqu'à ce que je devine pourquoi elle est fâchée.
Le jour où je vois se profiler le papier d'une serviette hygiénique et/ou d'un tampon devant les toilettes, je fais vite un tour partout dans l'appart pour voir ce qui pourrait la mettre de mauvaise humeur, et je tente d'éviter le drame: une vaisselle pas faite, une trace de passage de ma nièce (une poignée collante), une moumoute en plein milieu du salon, une baignoire sale, les poussières trop visibles (faut dire on a des meubles noirs, comme des cruches...). Pour tout vous dire, en fait, j'ai beau me plier en 58 pour essayer d'être formidable, elle trouvera toujours un petit quelque chose qui clochera et qui la rendra de mauvaise humeur; mais malgré tout, je persiste à essayer d'être parfaite... c'est comme ça, ça doit être l'amour qui me fait faire ces choses, sinon je ne vois pas...

Quand ÇA déboule chez moi, disons qu'L a plutôt intérêt à me dire que je suis la plus belle (pas seulement "un peu jolie"), la plus intelligente (pas seulement "un peu intelligente") et la plus drôle (pas seulement "un peu drôle"). Quitte à mentir, hein, parce que je sais bien que vous aussi, vous êtes jolies, intelligentes et drôles... Mais alors à mentir intelligemment, parce que si ça se voit, qu'elle bluffe, je suis d'autant plus vexée.

En résumé, je n'ai absolument plus confiance en moi, parfois, dans cette période du mois. Et s'il n'y avait que ça...

Je pleure aussi pour rien du tout pas grand chose. Une mémé à la télévision (moi j'ai plus de mémééééé...), un mauvais passage de bouquin (faut dire, en ce moment, je lis un livre qui me retournerait les tripes même en période non-balisée, faudra que je vous en parle quand je l'aurai fini)(j'ai trop peur que quelqu'un me bousille le truc en me disant la fin si je vous donne le titre maintenant), ou les pubs pour la sécurité routière (surtout celle où il y a une mémé).
Mais tout cela ne suffit pas: je pleure aussi en disant à L que je l'aime, parce qu'il n'y a pas que les choses tristes qui me font pleurer, dans ces moments là, il y a aussi les jolies choses... Je me souviens d'une fois mémorable (ben oui, puisque j'ai dit "je me souviens", c'est forcément "mémorable"!) où on était à deux à être des petites souris (rapport au tampon), ma meilleure copine et moi, devant "c'est mon choix", à pleurer parce qu'Evelyne retrouvait en direct derrière le miroir magique sa copine d'enfance qu'elle n'avait pas vue depuis X temps... (bon, ça va, hein, y'a prescription, pour l'aveu d'avoir regardé "c'est mon choix", je ne vous autorise pas à rigoler).

12 fois par an, que ça arrive, ces choses là, et j'ai fait le calcul: en étant réglée de 16 à 45 ans (oui, bon, ça va, je les ai eues tard, c'est bon, pas de quoi s'alarmer, hein... oui j'ai aussi fait des faux mots pour faire style de les avoir et ne pas aller à la piscine au collège); donc, en étant réglée de 16 à 45 ans, ça fait 29 ans, en enlevant 4 années pour les périodes "en cloque", ça nous fait 25 ans. 25 fois 12, si mes calculs sont bons, voilà le bilan:

12 fois par an, c'est le titre de mon message, mais c'est aussi le titre d'une magnifique chanson de Jeanne Cherhal. L'un de mes meilleurs concerts de toute ma vie. Quoi, je ne vous ai pas encore parlé de celui-là???? Je vous laisse avec elle (pas de sottises, hein), elle clôturera à perfection ce billet (ah ah, steph... "billet").

(jeanne si tu me lis, je t'aime et si tu as besoin d'une pianiste,
si tu te fais mal aux doigts lors d'une tournée- on ne sait jamais-, celle là, je sais la faire...)

Douze fois par an régulièrement
elle se tord de douleur, se mord les doigts dans son lit
étouffant ses cris, elle a mal

Ce mal vif et lourd la tient nuit et jour
c'est ça être une femme, un être de chair et de sang
c'est beau, et pourtant, ça fait mal

Que faut-il donc faire, pour que de ses fers
de ce joug qui d'elle se joue
elle se délivre, seule dans son givre
elle a froid

Ses larmes amères
gouttes d'eau de mer, glissent
et coulent le long de son cou
douleur abhorrée, quand vas-tu filer
elle a mal

Son ventre est un feu
un volcan fiévreux, qui crie à sa place
les mots les angoisses
que ses lèvres taisent, alors dans sa braise
elle a mal

Douze fois par an régulièrement
elle se tord de douleur
se mord les doigts dans son lit
étouffant ses cris
elle a mal