jeudi 13 octobre 2011

La SoUfRièRe* Qui PoRtE BiEn SoN NoM (ne lisez pas, c’est un roman…)


Je ne voudrais pas me la raconter, mais quand même, sachez qu’L et moi, on a affronté la Soufrière, en février dernier. Pour les deux nullards en géographie là-bas au fond, la Soufrière, c’est le Vésuve de la Guadeloupe qui n’a rien à voir avec l’Italie puisque c’est en Guadeloupe, mais c’est pour situer.
Si j’en parle aujourd’hui alors que c’est un événement totalement dépassé et qu’habituellement je parle de choses plutôt récentes-actuelles-in-tendance-undergroove, c’est tout simplement parce que je n’ai pas encore eu l’occasion de le raconter, parce que vous ne m’avez pas laissé en placer une, merci bien, vous verrez comme je me vengerai le jour où j’aurai mon blog.



Bref: L et moi, on a donc affronté la Soufrière, et ça mérite un petit message, ben désolée hein, ce sera certainement un long petit message, en plus, genre c’n'est pas comme si on était montées au terril d’en face, pardon quoi.



Pour tout dire, j’avais déjà crapahuté là-bas quand j’étais ado, avec mes parents, et je m’étais toujours dit au fond et en surface que j’y retournerais parce que ça en jetait du sable dans la bétonnière. Et comme je suis une fille qui tient ses promesses la plupart du temps voire encore plus souvent, bon ben voilà, pif pof, 15 ans après, je me suis retrouvée avec ma p’tite copine sur la route du volcan. Je ne l’avais pas prévue, elle, mais bon, j’ai fait avec hein, il y a des choses comme ça qui s’improvisent dans la vie.



L et moi, on est plutôt prévoyantes parfois, et comme on avait lu environ 529 guides sur la Guadeloupe qui nous disaient que 9 jours sur 9,5, c’était totalement nuageux au sommet, on a décidé d’y aller le jour le plus beau de la semaine. Bon, ben faut croire qu’L et moi, on était plus prévoyantes que la météo, parce qu’à mi chemin, il a commencé à pleuvoir genre tahiti douche (sauf que c’était la Guadeloupe), et dans notre petite voiture de location imitation scooter, ça faisait presque peur. Mais ça a fini par s’arranger, parce que c’est la Guadeloupe je le répète, et c’n'est pas Lille, il ne faudra jamais confondre.



Genre si vous voyez ça à Lille, appelez-moi, ou appelez les urgences parce que vous n’devez pas être bien nets de la ciboulette:




(ouép sale temps hein… oui par contre, si vous voyez ce temps là à lille, n’appelez pas c’est normal).



Quand je dis que ça s’est arrangé, c’était plutôt côté ciel que côté jardin route, et j’étais plutôt heureuse que ce soit L qui gère le volant ce jour-là, parce que je crois que personnellement, je me serais arrêtée pour pleurer en hurlant « pourquoiiiii… ».
L, elle a certainement voulu s’arrêter aussi, avant d’arriver au point de départ de la randonnée, en fait, quand j’y repense, mais ce n’était pas possible, parce que la route était aussi étroite que les pistes cyclables des V Lille, et je n’ai pas eu le temps de mesurer mais il devait y avoir une pente d’à peu près 140 %. J’exagère, mais pas beaucoup.



Au bout d’un très long moment, quand j’ai eu le courage de rouvrir mes yeux alors qu’L ralentissait enfin (genre de 5 à l’heure elle était passée tout à coup à 2 à l’heure, c’était net), je vis que d’autres tarés randonneurs étaient montés jusque là, et s’étaient garés sur les bas-côtés, entre la route et un fossé ruisselant. J’ai compris que c’était le moment d’enlever mes tongs pour enfiler mes baskets, histoire de penser à autre chose pendant qu’L se débrouillait pour garer la voiture sans la faire glisser 952 mètres plus bas.



Une fois la voiture stabilisée, j’ai sorti mon bras dehors pour tâter la température pour voir à quel point il allait falloir que l’on se surcharge, et pile à ce moment-là, il a recommencé à pleuvoir des cordes, et j’ai trouvé que quand même, c’n'était pas de bol: c’est la raison pour laquelle j’ai annoncé à L que je me verrais plutôt faire la rando un autre jour voire l’année prochaine ou dans deux ans, pourquoi pas, tiens, on n’a rien de prévu encore à cette date. Je ne sais pas si ce sont les quatre heures de route pour y arriver ou autre chose, mais L m’a bien fait comprendre qu’on allait y aller fissa, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, et qu’elle me tirerait par la peau des fesses s’il le fallait. Woh.



Bon, ben on y est allées, en short et K-way, et au départ c’était plutôt marrant parce qu’on n’a pas l’habitude d’être en short K-way, quand on y pense, je ne sais pas vous, vos habitudes de vie, tout ça.
Il ne faisait pas froid, en bas, et on croisait des gens qui en redescendaient, c’était plutôt rassurant: c’est ce qu’L pensait. Moi, j’étais flippée, évidemment, et puis je boudais un peu parce que je trouvais ça imprudent quand même, et que j’aurais bien fait la balade dix ans après, et on aurait aussi pu dire qu’on y était allées sans y aller vraiment, hein, qu’est ce que les gens en auraient su d’abord, et puis ma mère aurait trouvé ça hyper raisonnable que je fasse demi tour, je suis sûre, mon père pareil. Mais bon, au fur et à mesure que je râlais, on avançait, on avançait, et ça aurait commencé à être dommage de faire demi-tour.



Au bout d’une demi heure, à peu près quand la pluie s’est un peu arrêtée, j’ai commencé à avoir un peu faim.



Ce qui était plutôt dommage, c’est qu’on était parties vachement tôt pour arriver là en braves randonneuses, mais qu’au lieu de mettre 1h30 de voiture, on avait mis 4 heures. Comme on avait prévu après la promenade de santé d’aller manger au resto et qu’L salivait déjà ce matin à l’idée d’avaler ses ouassous, ses acras et son planteur, on avait juste embarqué deux barres céréales et une micro bouteille d’eau dans notre sac à dos.



L, elle est chic, elle a dit: « ok, on mange, mais il va falloir rationner ». Ca m’a fait un peu rire parce que j’avais un peu l’impression d’être dans Koh Lanta, sauf que j’étais bien contente d’avoir plutôt une barre de céréale, parce que je ne suis pas fan de riz ni de noix de coco. Encore un peu et j’imaginais que Denis m’attendait là-haut avec une épreuve de confort et un petit Ti Punch, et je n’avais pas forcément de stratégie pour éliminer L de mon équipe, c’était vache, mais je pense que c’est l’altitude qui me faisait délirer. Ou bien j’étais juste un peu toquée comme d’habitude, oui bon.



On a donc mangé nos trois miettes, admiré deux secondes le paysage, et nous sommes reparties de plus belles, histoire de vite en finir avec tout ça.



En chemin, on a croisé des gens qui revenaient de là-haut, et ça a fait comme partout quand on fait des randos, on s’est dit bonjour, comme des motards mais pas avec le pied hein, rhô, n’importe quoi.
Comme je les sentais sympas et que j’avais besoin d’être rassurée, j’ai demandé si c’était encore loin, tout ça, et si le panneau indiquait juste quand il indiquait « encore juste 1h30 de galère et vous y êtes ça va oh », ou quelque chose comme ça. Et puis j’ai demandé s’ils trouvaient ça prudent qu’on y aille vu le temps, parce que j’avais envie qu’ils se souviennent d’avoir croisé deux jeunes filles qui s’en allaient là-haut, le jour où on nous rechercherait, la semaine suivante, histoire qu’on retrouve au moins nos corps quelque part quoi. Malheureusement, le gars n’a pas dit « bande de malades, rebroussez chemin, c’est impraticable et hyper imprudent, COUREZ !!!! », il n’a pas dû comprendre le langage de mes yeux. C’était pourtant flagrant non, qu’est ce que vous en pensez ?




Il y a des gens comme ça qui ne font pas d’effort pour saisir.



Bon ben on a continué, merci les motards.



Il restait environ 20 minutes, il pleuvait de nouveau et on avait perdu 10 degrés et quatre de mes doigts (ceux qui me servaient à prendre des photos dès qu’il y avait une micro éclaircie, genre l’unique fois où faire des photos floues aurait pu m’être pardonné), quand on a fini par rejoindre un groupe avec un p’tit gars d’une dizaine d’années à l’arrière.
Ca commençait à grimper sévère, genre ça sentait la fin de la randonnée et le soufre, ou bien l’inverse, je confonds un peu.



Ce que je ne confonds pas, c’est qu’on était trempées comme jamais, je soupçonne même les gouttes de pluie d’avoir atteint le milieu de mes os après avoir traversé mon K-way, mon p’tit débardeur H et M et ma peau, et c’est quand même une impression bizarre. Ca a dû faire pareil à mon portable, dans le sac, paix à sa puce électromagnétique.



Ce que je ne confonds pas, c’est que j’étais presque à bout, et que ça m’a bien fait plaisir de rejoindre d’autres gens qui souffraient, particulièrement le petit gars.



C’n'est pas méchant, rhô: c’est juste que ça m’a reboostée, woh, de croiser ce groupe, parce que le petit pleurait tellement il galérait, genre, et en bonne instit, je suis à fond balèze (et dans balèze, il y a « bas ») pour motiver les enfants en dessous de onze ans: je lui ai alors dit, comme s’il était de ma classe, qu’il ne restait pas grand chose, qu’il fallait qu’il aille jusqu’au bout, qu’il allait voir que c’était trop formidable, qu’on voyait la fumée sortir de la roche et qu’il allait pouvoir raconter des trucs de dingue à ses potes ensuite.
J’avais moi même très envie de pleurer, vous dis-je, mais ça n’aurait pas fait crédible, et je commençais surtout à avoir grave les crocs parce que les rations d’L, ça a bien été deux minutes… mais il était 14h et j’avais juste envie de jeter le papier de la barre de céréale à la tête d’L, ce qui n’est pas très sympa j’en conviens: c’est pour ça que j’étais contente de parler un peu à quelqu’un d’autre, ça me permettait d’oublier mon envie de pleurer et de manger.



Je me suis vite souvenue que j’étais en vacances, et que cet enfant avait des parents comme tout un chacun (ben si, à la base, tout le monde en a, oh!), et que donc je n’étais pas tenue de rester près de lui pour le soutenir. Après l’avoir dépassé, j’étais remotivée, parce que je me disais qu’au moins, s’il y en avait devant nous, il y avait aussi des gens derrière, et il ne m’en faut pas plus pour me sentir mieux, c’est comme ça, ça ne s’explique pas vraiment, ou alors, si, ça s’explique, mais on ne va pas commencer à parler psy si près du but hein.



On a fini par arriver à un endroit où il y avait un abri, tout là haut, et je me serais bien arrêtée là si je ne m’étais pas souvenue à quel point c’était formidable juste après: je vous le dis net, hein, si malgré ce message il vous prend l’envie d’y aller, à cet endroit de dingue, ne vous arrêtez pas à l’abri, continuez un peu.
Donc, on est arrivées là limite en courant parce qu’il recommençait à pleuvoir sévère, et même si on était complètement mouillées, et que ça ne changeait rien de marcher ou courir, bon, ben c’était psychologique, ça nous faisait du bien de presser le pas. Et puis c’est surtout que moi, je suis une fondue d’abris, d’igloos, de yourtes et de cabanes, et j’adore aller découvrir ce qu’il y a à l’intérieur, même si bien souvent, bon, ben il n’y a rien, il ne faut pas se leurrer, et quand je cours, L court, c’est un peu ça la magie d’un couple.



Eh bien, il n’y avait rien dans cet abri, rien que des endroits pour s’asseoir et d’autres gens presque aussi trempés que nous mais sûrement pas aussi affamés, parce que leurs jambes ne flageolaient pas (en boîte)(les flageolets, ran, suivez un peu !), et que leurs joues n’étaient pas creuses. J’en rajoute, oui bon.
Le tableau de ces gens dans l’abri, ça m’a donné envie de faire une photo, mais j’n'ai pas eu le droit parce qu’L, elle ne doit pas avoir l’âme d’artiste que j’ai de temps en temps, elle ne voyait pas trop l’intérêt d’une photo là dans l’abri. Bon. J’essaie parfois de ne pas être trop contrariante hein. Mais du coup, je ne voyais pas trop l’intérêt de rester là alors qu’il n’y avait rien à faire à part manger, ce qui n’était définitivement plus possible étant donné qu’on avait décidé ensemble de garder nos trois dernières miettes de grany pour la descente… On est donc sorties, dans la tornade. J’en rajoute, oui bon, j’aurais bien voulu vous y voir, ça caillait sévère et il y avait des bourrasques de vent woh, si on m’avait dit que c’était ça la Guadeloupe, j’aurais un peu râlé quoi.



Tenez ben justement, j’ai fait une petite vidéo là-haut. Oui bon en fait je ne voulais pas en faire une à la base, c’est pour ça que c’est court rhô, je croyais que c’était en mode « photo », ça va ça arrive à tout le monde aussi hein, allez lire des reportages de vrais journalistes si vous n’êtes pas contents, j’suis sûre que Sophie Jovillard elle est allée là-haut, et filez moi le lien si vous le trouvez soyez sympa hein, oh, Sophie Jovillard quoi.
Et vous avez de la chance parce que d’habitude, quand je me rends compte que je me suis plantée, on entend « ran m*rde j’suis en mode vid….  » à la fin, alors que là je me suis retenue, sûrement parce que j’avais tellement faim que j’en oubliais de jurer, il y a des choses comme ça.







Après l’abri, on a avancé dans un paysage lunaire mais en fait rien à voir avec la lune: par « lunaire », je veux dire que c’était irréel, avec le bruit du volcan, l’odeur du soufre et les nuages qui se mélangeaient à la fumée du volcan, franchement, pendant environ deux minutes vingt-trois on a dû oublier qu’on avait froid et faim et qu’on allait peut-être mourir, parce qu’on a pris à peu près mille photos à cet endroit au lieu de penser à se dépêcher de rentrer pour manger nos acras, et ce qui est dommage c’est que toutes les photos sont loupées en puissance, il y a des jours comme ça où on fait de la merde voilà, ça nous était tombé dessus, pas de bol.



Une photo sortait un peu du lot, mais vraiment parce qu’il faut en choisir une allez, je vous la mets, et quand je dis « je vous la mets », … non rien.







Voilà et puis bon après ça, il a été temps de rentrer quand même, parce que j’avais dans l’idée de parfaire mon bronzage, et j’ai envie de rigoler très fort si vous pensez que c’est là-haut que ça aurait pu arriver. J’ai aussi envie de pleurer très fort si vous pensez ça, parce que ça voudrait dire que vous n’avez pas compris un traitre mot de ce que je viens de raconter, mais bon, voilà, la vie est cruelle souvent.



Quoi? Bon ben non, je ne suis finalement pas morte de faim ni de froid et j’ai apprécié puissance mille le repas de midi 17h, même s’ils n’avaient plus que du vieux poisson et du riz dans le premier bouic-bouic croisé plus bas, j’veux dire, on était à Koh Lanta ou pas? Bon. Personne ne m’a demandé non plus de manger des asticots quoi.



Voilà, j’pense que je peux noter dans mon carnet des choses complètement folles réalisées dans ma vie: « ai affronté la soufrière sous l’apocalypse ». En dessous ou au dessus de « ai survécu à des crabes », ‘faut voir. Comment, j’vous ai pas raconté encore, ça ?!!





Aziojoual, on se retrouve sur facebook pour parler de volcan entre nous, oh ça va être chic ça, mais ce soir je ne promets rien parce qu’il y a masterchef, il y a des priorités comme ça dans la vie, il faut le savoir.

La petite astéris astérik astériqu étoile du titre expliquée ici-même: * Soufrière avec un « f » comme « moufle » ou « gaufre ». Mais qui pourrait en porter deux, en fait, étant donné la galère que c’est d’y aller. Contrairement à « moufle » et « gaufre », et pourtant c’est aussi la galère pour faire des gaufres, râh, les mystères de la langue française…

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